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On attend la troisième vague ?

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Après une première vague déferlante de Covid ayant englouti l’économie de notre territoire tout en révélant la confrontation accablante des commerces et PME à une digitalisation de leur métier nécessaire mais quasiment inexistante, les entreprises se relèvent engourdies sous l’ombre de la seconde houle de novembre. Le constat est amer : leur transformation numérique n’a toujours pas eu lieu.

La première vague comme apprentissage

Bon nombre de sociétés se sont retrouvées confrontées au bouleversement de leur rapport au travail. Le télétravail révèle une nouvelle organisation à adopter ainsi que deux points cruciaux qui déterminent la force d’adaptation d’une entreprise : la capacité à manager de la part de ses dirigeants et la disposition de ses équipes à travailler à distance. Malgré des secteurs durement impactés tels que l’événementiel, la restauration ou l’hôtellerie, l’économie française ne s’est pas effondrée d’un seul bloc.

Le contexte de cette fulgurante première vague a été une source d’apprentissage et l’entreprise a compris que l’agilité qu’elle déployait sur son marché était cruciale, que les femmes et les hommes qui la composaient avaient une forte capacité d’autonomie malgré une explosion des arrêts maladie et une tension palpable dans certaines équipes.

Au-delà des difficultés inhérentes à la gestion de la crise, nous pouvons dresser le constat d’une réelle volonté de se digitaliser, de développer des services pour ses clients et de renouveler ses propositions pour délivrer une bonne qualité de production et de relation avec la clientèle malgré le fait que le coronavirus instaure et impose une prise de distance. Un large fossé reste toutefois à franchir entre les intentions et le passage à l’acte. Le commerce de proximité n’a manifestement pas su prendre la vague, bien que de nombreux restaurants et boutiques avaient alors l’opportunité de se digitaliser grâce aux différentes aides d’État mises en place : pourquoi donc le retrait en magasin (désormais banalisé sous l’anglicisme du click and collect) et le e-commerce ne se sont pas généralisés davantage ? La peur de bouger subsiste, inhibition légitime dans une période où la perte globale de repères s’immisce dans l’esprit du chef d’entreprise subissant déjà par nature un isolement, une solitude difficile à vivre et expliquer.

Cette notion de mouvement est révélatrice d’une certaine complaisance à l’œuvre bien avant l’arrivée soudaine de la crise sanitaire majeure qui parcourt notre pays. Nos commerces de proximité ont en effet un blocage qui les enracine à leur seule réalité physique et qui les entrave dans la poursuite de leur marché. Il suffit de dénombrer le nombre de boîtes en mesure de vendre en ligne lorsque l’on parcourt l’artère principale de n’importe quelle ville française pour que le cuisant échec de la digitalisation s’illustre…

Certains ne se sont pas contentés d’attendre sous perfusion que la tempête passe et ont pris toute la mesure de la réalité du marché : aujourd’hui, le consommateur s’informe en ligne sur un produit avant de le consommer en point de vente. Pour appréhender la seconde vague dans les meilleures dispositions, il s’agissait de tirer les leçons qui s’imposaient de la première pour en conclure que l’agilité était la clé, qu’entamer ce processus de digitalisation était l’assurance que produits, biens et services continuent d’être consommés par leurs utilisateurs finaux.

Qu’est-ce qu’on a bien pu louper ?

Nous avons raté le marchepied du train des réseaux sociaux en marche il y a une dizaine d’années, et nous n’avons toujours pas décollé la tête du gravier !

À titre personnel, alimenter son profil Facebook est devenu une banalité pour beaucoup de gens tandis qu’en terme de business, bon nombre d’entreprises restent inexistantes sur les réseaux sociaux. Il est illusoire de croire qu’il suffit de mettre sur pied une page Facebook dédiée à son activité sans même l’animer et espérer en tirer un quelconque profit. Les restaurateurs ont loupé le coche Instagram alors que l’application se révèle être l’antre de la #pornfood et des jouissances épicuriennes. Ce mépris du numérique reflète les difficultés que de nombreux commerces ont pu vivre durant le confinement en négligeant leur présence numérique.

Dès la fin de la première vague, les clients sont revenus massivement dans les commerces et les entreprises : revenge shopping à l’œuvre, les gens n’ont pas rechigné à puiser dans leur épargne et se sont fait plaisir en revenant en boutiques. Preuve s’il en est que les commerçants sont capables de créer une expérience client qualitative ayant un goût de revenez-y.

La deuxième vague, instant du constat

Quels sont les acteurs économiques qui ont su passer cette première vague avec brio, qui ont su en tirer profit à la sortie du shore break et qui aujourd’hui se retrouvent dans une posture leur permettant d’aborder une seconde vague avec sérénité ?

Au-delà des prêts garantis par l’État et des différentes aides mises en place, bon nombre d’entreprises ont su se digitaliser. Ces dernières, qui avaient entamé très modestement une refonte de leur site web, des campagnes Google Ads ou encore l’animation de leurs réseaux sociaux se sont avérées plus que légitimes dans leurs publications et n’ont rien inventé, ont été proactives et ont énormément travaillé, toujours avec humilité : ces entreprises ont ainsi capitalisé et ont même agrandi leur clientèle, ce qui valorise grandement leur actif.

Pour autant, cette seconde déferlante met également en exergue énormément de structures n’ayant pas entamé leur processus de digitalisation ou de télétravail afin que ses salariés continuent de produire dans de bonnes conditions et conservent une proximité avec leurs dirigeants. Ce manquement révèle à quel point la marche est haute à franchir pour les petites et moyennes entreprises dans leurs processus de transformation digitale.

Plusieurs raisons peuvent être évoquées : d’une part, probablement parce que nous avons un déficit de culture numérique de la part de nos dirigeants ; d’autre part, car il y a également un manque de volonté à réellement trouver des leviers de croissance grâce au numérique, certainement parce que la transformation digitale apparaît comme une mode, un terme galvaudé et marketing souvent éloigné de la réalité du terrain du chef d’entreprise. Nous avons pourtant devant nous un marché énorme de PME qui vont finir par mettre la clé sous la porte si elles ne se digitalisent pas dès demain dans ce contexte économique et sanitaire très instable. Car ne nous voilons pas la face : l’état ne pourra pas tout et ne sera pas providentiel pour tout le monde.

Les yeux rivés sur l’ogre Amazon

Il est certes nécessaire de porter un regard critique sur un géant tel que Jeff Bezos qui aujourd’hui rafle tout sur son marché, devient l’un des plus gros vendeurs de livres malgré la loi du prix unique et reste en mesure de vendre des jeux vidéo quand toute la grande distribution française et les commerces spécialisés baissent le rideau.

Lorsque l’on empêche une publicité de campagne nationale en appelant au boycott, on ne fait qu’érafler les mollets charnus d’un géant nous toisant avec une malicieuse indifférence. Ces comportements ne font qu’occasionner une publicité phénoménale et intensifier la lumière des projecteurs braqués sur un problème que nous n’avons pas su résoudre.

Il aurait alors fallu être efficaces dès la première vague, ne pas rester paralysés par nos seules intentions, couper court au biberonnage et lâcher la tétine pour pouvoir se digitaliser et continuer de vendre, en effectif réduit certes, mais sans cesser de produire de la valeur. Pourquoi se contente-t-on de regarder les GAFAM réagir ? Parce que nous n’avons pas assimilé que le monde dans lequel nous vivons désormais n’est déjà plus fondé sur les traditions de la décennie précédente. La sortie de crise sera une opportunité incroyable mais dure à comprendre par le chef d’entreprise car elle aura révélé à quel point nous sommes en retard, combien les leviers de chiffre d’affaires digital sont importants et que nous ne pouvons pas nous contenter d’improviser sans cesse. Amazon a simplement normalisé la relation client avec l’achat en quelques clics : espérons que nous essuierons cette tempête avec la volonté politique de miser davantage sur le digital en faisant en sorte que le tissu économique des territoires soit beaucoup plus actif sur ce sujet et se transforme.

C’est de la responsabilité du chef d’entreprise que d’avoir une stratégie qui consiste à diversifier son activité : la première option de polyvalence qui s’impose à lui est bien la digitalisation et non pas d’aller vers de nouveaux marchés, de nouveaux produits ou des augmentations tarifaires. Il s’agit plutôt aller chercher les clients où ils sont : derrière leurs écrans, sur Internet.